dimanche 4 avril 2010

Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde

Que c'est triste ! Je vais devenir vieux, horrible et épouvantable. Mais ce portrait, lui, demeurera toujours jeune. [...] Si seulement c'était moi qui devais rester éternellement jeune et le portrait qui devait vieillir ! Pour cela, je donnerais tout ! [...] Je donnerais mon âme ! Toute l'intrigue de l'unique roman d'Oscar Wilde est en germe dans ce vœu aux accents de pacte faustien. Dorénavant, Dorian Gray ne vieillira plus : c'est son portrait qui portera les stigmates de son âge, de ses vices et de ses crimes.

Je n'avais encore rien lu d'Oscar Wilde mais quel délicieux avant-goût de son oeuvre qu'est ce roman. J'ai absolument adoré l'histoire, les personnages, l'ambiance, ce livre m'a fait passer quelques heures aussi merveilleuses qu'inquiétantes. Un gros gros coup de coeur pour cet écrivain et ses aphorismes qui sont de véritables perles adroitement dispersées par l'auteur et goulûment consommées par le lecteur!

Le portrait de Dorian Gray nous raconte l'histoire d'un jeune homme qui, simultanément, prend conscience de sa beauté envoûtante au travers d'un portrait qu'a fait de lui son ami le peintre Basil Hallward, et devient convaincu, par un ami de ce dernier, Lord Henry Wotton, que la jeunesse est tout ce qui compte. Jaloux de la jeunesse éternelle du tableau qu'il a entre les mains, il émet le souhait insensé de rester lui-même toujours jeune et séduisant et de faire subir au tableau les affres de la vieillesse. Dorian Gray n'a alors pas conscience que le voeu qu'il vient de formuler s'est réalisé... Ce n'est que lorsqu'il rentre chez lui après avoir cruellement renié Sibyl Vane, une jeune actrice dont il croyait être amoureux, qu'il constante un léger changement dans le tableau. L'expression paraissait différente. On eût cru qu'il y avait une ombre de cruauté dans la bouche. D'abord effrayé, il promet de se racheter mais l'influence aussi malsaine qu'envoûtante de Lord Henry jointe à l'excitante perspective de ne pas vieillir, ni même de porter le poids de ses péchés conduiront Dorian Gray vers une vie de débauche, à faire du péché une raison de vivre.

Pendant près de vingt années, Dorian incarnera la débauche mêlée à une vanité sans pareille; prenant plaisir à voir le portrait vieillir et porter le poids de ses agissements nuisibles à tous ceux qui ont le malheur de l'approcher. Rien n'est suffisant et son âme altérée le conduira bientôt au crime. La raison n'est plus, la passion ne peut s'exprimer qu'au travers de moeurs débridées et d'une vie de dépravation. Il commence à être fuit comme la peste et regardé avec dégoût mais la fascination persiste toujours. Lord Henry Wotton lui reste proche, parce qu'il exerce sur Dorian (comme sur le lecteur) une emprise inépuisable. Il dispose d'un charisme ensorcelant et on n'est jamais las de sa compagnie. Il débite à longueur de temps des théories à la fois subtiles et immorales, de véritables joyaux qui font de ce personnage l'un des meilleurs que j'ai pu rencontrer jusqu'ici. Alors que Gray peut paraître fade, influençable et parfois benêt sur les bords, Henry est d'une intelligence fine et d'un cynisme à toute épreuve, d'une insensibilité mordante et d'une répartie inconvenante foncièrement savoureuse. Une merveille qui nous fascine non sans en éprouver un plaisir coupable. Le roman vaut d'être lu, rien que pour faire la connaissance de ce personnage subtilement dérangeant.

Il rejoint sans hésitation mes livres préférés et ne fait qu'attiser ma curiosité de découvrir le reste de l'oeuvre d'Oscar Wilde.

Lu dans le cadre du challenge:

Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray, Le livre de poche, 285 pages, 1972


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